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Une concentration des espaces gagnants de la croissance dans les grands pôles urbains et leurs couronnes au cours de la dernière décennie

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50 années d’extension spatiale des villes et de croissance périurbaine

Les logiques de croissance de la population française au cours des 50 dernières années s’interprètent en partie au prisme de la périurbanisation, caractérisant le phénomène de consommation d’espaces autour des grandes agglomérations, au profit de l’habitat individuel et parfois aux dépens des espaces naturels et agricoles. En effet, la périurbanisation est une dimension centrale des dynamiques de peuplement en France. Les cartes lissées permettent ici de faire ressortir les grandes tendances d’évolution de la densité communale et d’extension des zones d’influence des grandes villes, en s’affranchissant des évolutions de périmètres1.

Corollaire de l’exode rural2, les périphéries des pôles urbains se densifient après la Seconde Guerre mondiale. Entre 1968 et 1982, l’étalement urbain s’observe ainsi sur des zones relativement restreintes autour des pôles et élargit progressivement le périmètre des espaces périurbains tout au long des années 19703 ; ce d’autant plus fortement que la taille de l’aire est importante4. Cette trajectoire se poursuit avec une forte intensité jusqu’au début des années 1990, période à partir de laquelle l’écart de rythme de densification se réduit entre pôles et couronnes.

Sur la période la plus récente, l’aire d’influence des grandes agglomérations continue de progresser ; de façon plus lente, mais également de plus en plus loin des centres5. Bien que toujours très faible, la variation de densité n’apparaît plus, pour la première fois, négative dans les communes situées hors de l’influence des pôles (+ 0,1 habitant par km² chaque année).
Cette dernière phase d’extension se caractérise par ailleurs par une différenciation entre grands espaces régionaux de plus en plus marquée, alors même que l’écart du rythme de densification entre les pôles et leurs couronnes continue à se réduire. Les auteurs de « La croissance périurbaine depuis 45 ans. Extension et densification »6 ont de plus mis en évidence que l’extension spatiale dépendait de moins en moins du niveau d’attractivité migratoire des villes, contrairement aux périodes antérieures.

Bien que la croissance reste principalement portée par les couronnes des grands pôles urbains, le rythme de périurbanisation ralentit et un regain démographique apparaît désormais dans les pôles

41,8 millions de Français résident aujourd’hui dans une aire d’attraction comptant 200 000 habitants et plus. À périmètre constant, ces espaces ont gagné 2,3 millions d’habitants de plus en dix ans et accueillent, en 2018, 62,7 % de la population totale contre 61,8 % en 2008. Ces espaces concentrent par ailleurs, et de plus en plus, une large partie de l’accroissement de la population française, puisque près de 95 % des 1,2 million d’habitants supplémentaires recensés en France entre 2013 et 2018 y résident (contre 75 % entre 2008 et 2013).

Le phénomène de périurbanisation observé dans l’Hexagone7 fait des espaces situés en couronnes des pôles les grands gagnants de la croissance démographique en France depuis plusieurs décennies maintenant. Encore aujourd’hui, les couronnes des pôles d’aires de 50 000 habitants et plus portent la croissance de la population française et ce, de façon d’autant plus prégnante que la taille des aires est importante.

Néanmoins, ces espaces sont moins dynamiques aujourd’hui qu’ils ne l’étaient cinq ans plus tôt8. Ainsi, la périurbanisation se poursuit, mais à un rythme moins soutenu. La baisse de la dynamique de croissance des couronnes est par ailleurs inversement proportionnelle à la taille de leur aire9. Ces espaces sont les seuls pour lesquels la dynamique démographique est portée par la combinaison d’apports naturels et migratoires ; contributions d’autant plus importantes, que la taille de l’aire à laquelle ces communes sont rattachées augmente.
Compte tenu de la forte gérontocroissance qui caractérise les couronnes ces dernières années10, peut cependant se poser la question du potentiel déséquilibre entre naissances et décès dans les territoires périurbains dans les années à venir.

La dynamique moyenne des pôles d’aires de plus de 50 000 habitants diverge de celle de leur couronne, dans la mesure où la progression de la population de ces espaces est en effet uniquement due à un solde naturel excédentaire. Là encore, la taille de l’aire influe sur l’intensité du facteur d’accroissement puisque, plus la population y est importante, plus l’excédent naturel le sera également11, et moins les dynamiques migratoires contribueront à la croissance. Néanmoins, les pôles urbains moyens (aires de 50 000 à 200 000 habitants), grands (aires de 200 000 à 700 000 habitants) et très grands (aires de 700 000 habitants ou plus) sont les seuls, parmi tous les types d’espaces, dont le rythme de croissance n’a pas ralenti ou est resté relativement stable en 10 ans. Ce phénomène s’explique par un regain d’attractivité de ces pôles dans la dernière période intercensitaire, qui ne suffit toutefois pas à inverser un solde migratoire qui reste en moyenne déficitaire.

Seuls les territoires situés hors de l’aire d’influence des pôles et dans l’aire d’attraction des petits pôles sont, en moyenne, en déprise démographique. Ces deux types d’espaces restent néanmoins globalement attractifs et cette diminution est la conséquence du seul déficit naturel. La déprise démographique est toutefois une situation nouvelle12 pour les communes isolées, dont le taux d’accroissement annuel s’établissait à + 0,37 % entre 2008 et 2013, pour une baisse de 0,11 % entre 2013 et 201813.

La croissance des couronnes ralentit dans la quasi-totalité des régions

En France, entre 2013 et 2018, l’ensemble des régions affiche une évolution démographique positive des espaces périphériques de leurs pôles, excepté dans les Antilles françaises, du fait des nombreux départs (de jeunes notamment), qui ne sont pas compensés par un nombre suffisant d’installations. Les espaces périurbains sont particulièrement dynamiques en Corse (Bastia, Porto-Vecchio) mais aussi en Occitanie (Narbonne, Toulouse), en Auvergne-Rhône-Alpes (Bourg-en-Bresse, Chambéry, Annecy) et dans les Pays de la Loire (Nantes, Challans, La Roche-sur-Yon). Cette dynamique est toutefois ralentie par rapport à la période intercensitaire précédente et ce, dans l’ensemble des espaces régionaux.

À l’inverse, le regain démographique observé dans certains pôles urbains concerne 11 des 18 régions françaises. Il est particulièrement net dans les régions situées sur les façades atlantique (Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire) et méditerranéenne (PACA), sans pour autant que la croissance démographique ne puisse rattraper le rythme constaté dans leurs couronnes.
Ailleurs sur le territoire, demeure encore un grand nombre de pôles urbains en déprise, mais ceux-ci affichent en moyenne un rythme de décroissance largement ralenti dans l’ensemble des régions, grâce à des apports migratoires de plus en plus importants pour l’ensemble des espaces concernés, alors même que l’accroissement dû au solde naturel a en revanche systématiquement diminué. Malgré ce regain d’attractivité, la dynamique migratoire des pôles
des régions situées dans la moitié nord du pays (Hauts-de-France, Grand-Est, Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Normandie), ainsi qu’en Guadeloupe et à la Martinique, reste insuffisante, et la population continue globalement d’y diminuer.

Des dynamiques régionales contrastées parmi les communes des très grands pôles urbains et de leur couronne

Les très grandes aires d’attraction sont les espaces qui affichent le niveau d’accroissement de leur population le plus important des dix dernières
années. Néanmoins, les dynamiques de croissance récentes ne sont pas les mêmes pour toutes ces aires.
Attractifs en matière d’emplois, ces territoires comptent en 2018 plus de 25,5 millions d’habitants (38,7 % de la population totale du pays) et bénéficient d’apports migratoires contribuant à leur croissance démographique (essentiellement en périphérie des pôles), à l’exception de Paris, Lille et Grenoble. Ces trois aires voient d’ailleurs leur rythme d’accroissement ralentir, tant dans les pôles que dans les couronnes, leur croissance ne tenant qu’à leur dynamique naturelle.

Les espaces situés au nord-ouest et sur le littoral atlantique (Rennes, Nantes, Bordeaux) ainsi qu’en région Occitanie (Toulouse, Montpellier) affichent les plus hauts niveaux d’accroissement de la population entre 2013 et 2018 : de + 1,14 % en moyenne chaque année pour Rennes à + 1,44 % pour Montpellier.
Parmi eux, seuls ceux appartenant aux aires de Nantes et Bordeaux se sont renforcés au cours des cinq dernières années (+ 1,42 % d’accroissement annuel moyen entre 2013 et 2018 pour ces deux aires) et ce, du fait de comportements migratoires qui perdurent en faveur de leur pôle, mais aussi d’une natalité suffisamment importante pour contrebalancer le vieillissement de la population et la hausse des décès. Notons également l’accélération de la croissance démographique des aires marseillaise et strasbourgeoise (+ 0,18 point de % entre les périodes 2008-2013 et 2013-2018), exclusivement liée à un regain d’attractivité observé pour ces deux territoires.

1. Cf. annexe « Mesurer une évolution spatiale sur le temps long : zonages constants ou évolutifs ? », p. 122.
2. Cf. article « D’une France rurale à une France urbaine : les conséquences de l’exode rural », p. 27.
3. Baccaïni Brigitte, Sémécurbe François. La croissance périurbaine depuis 45 ans. Extension et densification. In : Insee Première. Juin 2009, n° 1240, 4 p.
4. Le taux de croissance annuel de la population entre 1975 et 1982 dans les couronnes des aires de 700 000 habitants ou plus est de + 1,9 %, dans les couronnes des aires comptant entre 200 000 et 700 000 habitants, de + 1,5 %, dans les couronnes des aires comptant entre 50 000 et 200 000 habitants de + 1,1 %. Source : Insee, zonage en aires d’attraction des villes (AAV) 2020 (cf. annexe, p. 121).
5. Clanché François. Trente ans de démographie des territoires. Le rôle structurant du Bassin parisien et des très grandes aires urbaines. In : Insee Première. Janvier 2014, n° 1483, 4 p.
6. Baccaïni Brigitte, Sémécurbe François. La croissance périurbaine depuis 45 ans. Extension et densification. In : Insee Première. Juin 2009, n° 1240, 4 p.

7. Cf. p. 60-61.
8. Vallès Vincent. Entre 2011 et 2016, les grandes aires urbaines portent la croissance démographique française. In : Insee Focus [en ligne]. Décembre 2018, n° 138. Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3682672 (consulté le 15 novembre 2021).
9. Le taux d’évolution annuel moyen de la population des couronnes de petits pôles diminue de 0,52 point de % entre les périodes 2008-2013 et 2013-2018 là où celui des couronnes de très grands pôles diminue de seulement 0,18 point de %.
10. Cf. article « Du vieillissement à la gérontocroissance : deux phénomènes distincts qui touchent inégalement les territoires », p. 100.

11. Le nombre de naissances moyen augmente en effet à mesure que la taille des pôles et couronnes augmente, alors que le schéma s’inverse pour celui des décès (du fait d’une population plus jeune dans les espaces plus peuplés).
12. À zonage constant, ces espaces n’ont en moyenne pas connu de déprise démographique depuis le début des années 1990.
13. En 2008, 6,9 % de la population française résidait dans une commune située hors de l’influence des villes ; en 2018, cette proportion atteint 6,7 %.

  • Baccaïni Brigitte, Sémécurbe François. La croissance périurbaine depuis 45 ans. Extension et densification. In : Insee Première. Juin 2009, n° 1240, 4 p.
  • Clanché François. Trente ans de démographie des territoires. Le rôle structurant du Bassin parisien et des très grandes aires urbaines. In : Insee Première. Janvier 2014, n° 1483, 4 p.
  • Vallès Vincent. Entre 2011 et 2016, les grandes aires urbaines portent la croissance démographique française. In : Insee Focus [en ligne]. Décembre 2018, n° 138. Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3682672 (consulté le 15 novembre 2021).

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