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En France, une croissance démographique qui ralentit et se concentre de plus en plus

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Le rythme d’accroissement de la population française ralentit depuis 20 ans

D’après les dernières estimations annuelles de la population française, la France compte 67,4 millions d’habitants au 1er janvier 20211, dont 65,2 millions résidant en métropole et 2,2 millions dans les Drom.

Au cours des 50 dernières années, la population française n’a jamais cessé de croître, à un rythme plus ou moins important selon les périodes. Toutefois, la dynamique démographique française est historiquement et avant tout portée par sa natalité. Au cours de la période intercensitaire 1968-1975, on voit d’ailleurs encore se poursuivre les effets du baby-boom2 : la population augmente en moyenne chaque année de + 0,61 %3 du seul fait du solde naturel sur une évolution totale atteignant + 0,81 %, soit 423 000 personnes supplémentaires en moyenne chaque année, l’équivalent de la ville de Lyon en 1975. La fin du baby-boom au milieu des années 1970 marque une nouvelle phase  dans la démographie française : la natalité diminue, passant de 16,8 naissances pour 1 000 habitants4 au cours de cette période à 14 ‰ dans les années 1980, se stabilise, atteint 12,9 ‰ au début des années 2000, pour finalement s’établir à 11,9 ‰ au milieu des années 20105.

Ce recul des naissances entraîne une baisse de la croissance due au solde naturel, qui est désormais à son plus bas niveau depuis 1945 (+ 0,31 %)6. Mais ce n’est pas le seul phénomène explicatif.

S’y conjugue ces dernières années l’augmentation du nombre de décès7 occasionnée par l’arrivée aux grands âges des générations issues du baby-boom, et qui devrait s’accélérer dans les prochaines années8, combinée à la surmortalité exceptionnellement élevée des deux dernières années, causée par l’épidémie de Covid-199. Au cours des 20 dernières années, la contribution de l’excédent du solde migratoire à l’évolution de la population s’est également réduite : entre 1999 et 2008, plus de 35 % de l’augmentation de la population s’expliquait en France par l’apport migratoire, contre 14,3 % entre 2008 et 2013 et finalement 12,0 % entre 2013 et 201810.

Malgré ces ralentissements et les crises récentes, le dynamisme de longue période de la démographie française reste porté par ses soldes naturel et migratoire durablement positifs11.

50 ans de concentration des espaces gagnants de la croissance démographique française

On observe aujourd’hui, et pour la première fois en 50 ans, de grands ensembles régionaux perdre de la population12 : c’est le cas entre 2013 et 2018 en Bourgogne-Franche-Comté (dont le taux de variation annuel s’établit à -0,09 %),
en Normandie et dans le Grand-Est (-0,01 %) de même qu’en Guadeloupe (-0,73 %) et en Martinique (-0,89 % ; dans cette région, la déprise démographique s’observe dès la fin des années 2000). Dans toutes ces régions, la diminution progressive de l’excédent naturel – pourtant toujours positif ou tout juste nul pour la Bourgogne-France-Comté, ne suffit plus à combler le déficit migratoire qui s’y creuse.

Au sein de ces grandes régions, on voit par ailleurs apparaître des dynamiques hétérogènes de concentration des espaces gagnants et d’expansion d’autres espaces en perte de vitesse sur le plan démographique.
Certains territoires affichent en effet depuis la fin des années 1960 une forte croissance démographique13. C’est au début des années 1970 et des années 2000 que le nombre de départements en forte croissance démographique a été le plus important avec respectivement 53 et 56 départements concernés.

À partir du début des années 2000, on voit par ailleurs de plus en plus clairement se distinguer les espaces démographiquement dynamiques situés principalement en Île-de- France et autour d’un arc atlantique, méditerranéen et rhodanien en forte croissance. C’est sur cet axe structurant que l’on retrouve d’ailleurs 10 des 12 départements dont l’évolution démographique a été particulièrement forte tout au long des 50 dernières années (Ain, Drôme, Haute-Savoie, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Pyrénées-Orientales, Loire-Atlantique, Vendée, Ille-et-Vilaine ; ainsi que la Seine-et-Marne et la Guyane situées hors de cet arc).
Il n’y a jamais eu, au cours des 50 dernières années, aussi peu de départements en forte croissance qu’aujourd’hui, avec 23 départements concernés, qui concentrent une large part des gains de population en France : sur les 1,16 million d’habitants supplémentaires dans le pays entre 2013 et 2018, 83,7 % l’ont été dans ces départements. En comparaison, entre 1999 et 2008, les 56 départements en forte croissance concentraient 85,5 % des gains totaux. On assiste ainsi, ces dernières années, à une concentration toujours plus forte14 de la population dans les espaces gagnants de la croissance démographique en France.

Certains départements, situés notamment dans la diagonale centrale traversant la France depuis les Ardennes jusqu’au Lot, connaissent à l’inverse une déprise démographique continue sur les 50 dernières années (Cantal, Ardennes, Haute-Marne, Creuse, Nièvre). Les territoires en décroissance démographique n’ont par ailleurs jamais été aussi nombreux que sur la période intercensitaire la plus récente : 34 départements sont concernés, contre 17 entre 2008 et 2013, et 9 entre 1999 et 2008, soit une proportion jamais observée depuis 1946.
L’espace récemment couvert par les territoires en déprise s’étend à l’est du Bassin parisien mais surtout vers le nord, touchant dorénavant une grande partie de la Somme et la quasi-intégralité de l’Aisne (excepté sa partie sud, limitrophe de l’Île-de-France). Cette zone s’étend également vers le nord-ouest, dans la partie eurélienne du Perche et le pays dunois (Eure-et-Loir), le pays vendômois (Loir-et-Cher), en passant par le nord du Bassin ligérien (Mayenne et Sarthe), et une grande partie de la Manche (région de Mortain et Nord-Cotentin).

À peine plus d'un EPCI sur deux a vu sa population augmenter au cours des 10 dernières années

Au cours des dix dernières années, on assiste à une concentration importante des territoires en croissance démographique, qui se traduit par une diminution de quelque 25 % du nombre d’intercommunalités gagnant de la population15. Ainsi, là où entre 2008 et 2013 elles représentaient 73,2 % de l’ensemble des EPCI, elles sont à peine plus d’une sur deux (54,4 %) à être en croissance cinq ans plus tard. On assiste en parallèle, pour l’ensemble des régions françaises, à une rétraction des espaces portés par une double croissance : plus de quatre intercommunalités sur dix (541) combinaient apports naturels et apports migratoires entre 2008 et 2013 ; au cours de la dernière période intercensitaire, ce ne sont plus que 27,0 % (337) des intercommunalités qui sont dans cette dynamique, n’épargnant aucun ensemble régional16.

Là où les espaces en croissance s’étendaient très largement autour des grandes métropoles des littoraux atlantique et méditerranéen et plus largement au sud d’un axe reliant la partie basse de la Normandie à la Haute-Savoie (exceptant l’ancienne région Limousin), on observe très nettement une extension des espaces en décroissance vers l’ouest et un rétrécissement des zones de croissance autour des grandes métropoles.
Les intercommunalités du Sud-Ouest formant une première couronne autour des métropoles de Bordeaux et Toulouse illustrent bien ce phénomène : elles sont de moins en moins nombreuses à être portées par une double croissance naturelle et migratoire, dans un mouvement de resserrement vers le centre métropolitain. Dans une seconde couronne toujours plus éloignée des centres métropolitains, les intercommunalités sont, entre 2008 et 2013, très nombreuses à être portées par une dynamique migratoire positive. Là encore, cinq années plus tard, dans un mouvement de concentration vers la métropole, le nombre des EPCI concernés diminue17.
De la même façon, les EPCI de la région Pays de la Loire formaient une zone homogène de territoires en croissance, centrée sur le pays nantais, mais s’étalant jusqu’à l’Île-de-France, en passant par le nord de la région Centre.
Sur cet axe, les zones en croissance se concentrent autour des grandes métropoles et agglomérations nantaise, angevine, mancelle, orléanaise et chartraine, alors même que les territoires situés en périphérie des grandes agglomérations de la Mayenne, de la Sarthe, de l’Eure-et-Loir et du Loir-et-Cher ont commencé à perdre de la population (principalement du fait d’un solde migratoire très nettement déficitaire).


En une décennie, le nombre de personnes vivant dans une intercommunalité en déprise démographique est passé de 12,4 millions en 2008 à 17,8 millions en 2018 (26,7 % de la population française actuelle). Autre phénomène qualifiant une récente tendance à la fois à l’extension de l’emprise spatiale des espaces en décroissance, mais aussi au cumul des leviers y concourant (naturel et migratoire), on observe que seuls 7,0 % des EPCI étaient en décroissance totale entre 2008 et 2013 (soit 87 intercommunalités) ; alors que leur nombre a été multiplié par 2,5 à la période suivante (223 intercommunalités concernées, soit 18 % des EPCI).

Cinq régions comptent aujourd’hui une majorité d’intercommunalités en décroissance : le Grand-Est (69,8 %), la Normandie (66,2 %), le Centre-Val de Loire (65,8 %), la Bourgogne-Franche-Comté (59,3 %) et les Hauts-de-France (54,4 %). Aucune région française ne faisait face à cette situation au début des années 2010.
Dans les régions Centre-Val de Loire et Normandie, le nombre d’intercommunalités en décroissance totale a même été multiplié par quatre en dix ans. Ces dernières représentent aujourd’hui respectivement 39,2 % et 35,2 % des EPCI régionaux contre 10,1 % et 8,7 % entre 2008 et 2013. Les EPCI de la région Pays de la Loire sont quant à eux de plus en plus concernés par une déprise liée à de nombreux départs (12 EPCI concernés en 2018 et aucun cinq ans plus tôt). En Nouvelle-Aquitaine, le vieillissement important de la population18 contribue à une augmentation du nombre de décès et on dénombre aujourd’hui 40,6 % d’intercommunalités en décroissance, uniquement du fait d’un excédent des décès sur les naissances. Dans les Drom, on compte là aussi de plus en plus de territoires intercommunaux en décroissance, surtout marqués par une dynamique migratoire déficitaire.

1. Source : Insee, estimations de la population 2021.

2. En France, les effets du baby-boom s’observent jusqu’au milieu des années 1970. Les facteurs qui en sont à l’origine sont nombreux et se conjuguent : rattrapage démographique après-guerre, développement des systèmes de protection sociale et de politique familiale, amélioration considérable des conditions de vie (notamment à partir des années 1960), sans oublier bien sûr une forte croissance économique. Cependant l’élévation globale des niveaux de vie ne suffit pas à expliquer l’entièreté et surtout le caractère exceptionnel du phénomène, dans la mesure où la baisse de fécondité des années 1970 a lieu avant le ralentissement de la croissance (Bonvalet Catherine, Clément Céline, Ogg Jim. Le phénomène du baby-boom. In : Bonvalet Catherine, Clément Céline, Ogg Jim (Dir). Réinventer la famille : L’histoire des baby-boomers. Paris : Presses Universitaires de France, 2011, pp. 23-56).
3. Les chiffres exposés ici et dans la suite de l’article sont issus de l’Insee et des données des différents millésimes de recensement de la population.
4. Le taux brut de natalité rapporte le nombre de naissances observées sur une période, à la population totale moyenne sur cette période.
5. Source : Insee, État civil, estimations de population.
6. Bellamy Vanessa, Beaumel Catherine. Bilan démographique 2015 : le nombre de décès au plus haut depuis l’après-guerre. In : Insee Première. Janvier 2016, n° 1581, 4 p.
7. 478 200 décès ont été observés en moyenne chaque année entre 1999 et 2008, contre 581 800 entre 2013 et 2018 (Source : Insee, État civil, estimations de population).
8. Pison Gilles, Toulemon Laurent. Le nombre de décès va augmenter en France dans les prochaines années. In : Population et Sociétés. Mars 2016, n° 531, 4 p.
9. Le Minez Sylvie, Roux Valérie. 2020 : une hausse des décès inédite depuis 70 ans. In : Insee Première. Mars 2021, n° 1847, 4 p.
10. Rappelons que du fait d’un changement de questionnaire en 2018 permettant une meilleure prise en compte de la multi-résidence, l’Insee a introduit une valeur d’ajustement pour réajuster les évolutions de population entre les RP 2016 et 2023. Selon l’Insee, cet impact est faible et n’affecte pas les analyses géographiques et structurelles réalisées avec les données de recensement. En revanche, au niveau national, il rend nécessaire la prise en compte d’une troisième composante de variation d’« ajustement », en sus des soldes naturel et migratoire. Sans cet ajustement, le solde migratoire calculé comme différence entre l’évolution de population et le solde naturel, serait légèrement sous-estimé. Par le passé, un ajustement avait également été introduit entre 1990 et 2005. (Insee. Rénovation du questionnaire du recensement de la population sur les liens familiaux et les situations de multi résidence. Impact sur les évolutions annuelles de population. Note technique [en ligne]. Janvier 2021. Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2383177/fiche_methodo_effet_questionnaire.pdf (consulté le 23 novembre 2021), 13 p).
11. Bien que très faiblement pour ce qui est des dynamiques migratoires récentes.
12. Au cours de la période intercensitaire précédente, seule la Martinique perdait de la population, avec un taux d’accroissement annuel de -0,62 %.
13. Sont ici qualifiés comme « en forte croissance » les territoires dont le taux de variation annuel moyen est supérieur ou égal à la croissance annuelle observée en moyenne entre 1968 et 2018 (+ 0,55 %).

14. Cf. article « L’évolution du peuplement de la France : un renforcement de la concentration spatiale », p. 18.

15. Les chiffres exposés ici et dans la suite de l’article sont issus de l’Insee et des données des différents millésimes de recensement de la population.

16. Les comparaisons effectuées entre EPCI sur les dix dernières années se font à périmètre constant, à l’échelle des EPCI 2021 (cf. annexe « Mesurer une évolution spatiale sur le temps long : zonages constants ou évolutifs ? », p. 122).
17. Par exemple, dans la région bordelaise, le nombre d’intercommunalités en croissance totale passe de 22 à 17 en dix ans, et celui des intercommunalités avec une croissance uniquement associée à un solde migratoire apparent positif, de 47 à 37.

18. Cf. article « Du vieillissement à la gérontocroissance : deux phénomènes distincts qui touchent inégalement les territoires », p. 100.

  • Bonvalet Catherine, Clément Céline, Ogg Jim. Le phénomène du baby-boom. In : Bonvalet Catherine, Clément Céline, Ogg Jim (Dir). Réinventer la famille : L’histoire des baby-boomers. Paris : Presses Universitaires de France, 2011, pp. 23-56).
  • Bellamy Vanessa, Beaumel Catherine. Bilan démographique 2015 : le nombre de décès au plus haut depuis l’après-guerre. In : Insee Première. Janvier 2016, n° 1581, 4 p.
  • Pison Gilles, Toulemon Laurent. Le nombre de décès va augmenter en France dans les prochaines années. In : Population et Sociétés. Mars 2016, n° 531, 4 p.
  • Le Minez Sylvie, Roux Valérie. 2020 : une hausse des décès inédite depuis 70 ans. In : Insee Première. Mars 2021, n° 1847, 4 p.
  • Insee. Rénovation du questionnaire du recensement de la population sur les liens familiaux et les situations de multi résidence. Impact sur les évolutions annuelles de population. Note technique [en ligne]. Janvier 2021. Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2383177/fiche_methodo_effet_questionnaire.pdf (consulté le 23 novembre 2021), 13 p).

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