De manière très schématique, les espaces les plus urbains sont ceux qui ont été les moins bouleversés. A l’inverse, les espaces les plus ruraux ainsi que les régions d’un grand quart sud-ouest ainsi que les Outre-mer (à l’exception de la Guyane) ont connu de profondes transformations.
Alors qu’en 1968, l’implantation des grands ménages relevait surtout d’une logique régionale, elle relève désormais d’une logique distinguant davantage des « types » d’espaces : urbains, périurbains et ruraux.
Il y a cinquante ans, quatre grands ensembles régionaux se caractérisaient par l’accueil de ménages de taille relativement importante (supérieure à 3,3 personnes en moyenne) :
- dans l’Est, les massifs des Vosges du Nord (Moselle et Bas-Rhin) et du Jura (Doubs) ;
- dans le Nord, une large partie des Hauts-de-France et de la Normandie ;
- dans l’Ouest, les Pays de la Loire ; • enfin, dans le Sud-Ouest, la Gascogne.
A ces espaces de France métropolitaine s’ajoutaient les Outre-mer dont la quasi-totalité accueillait des ménages dont la taille moyenne était généralement supérieure à 4 personnes, soit très nettement au-dessus de la moyenne nationale de l’époque (3,1).
En 2015, ce sont les territoires périurbains8, particulièrement ceux situés autour des grandes agglomérations (Paris, Lyon, Toulouse, Rennes, Nantes, Bordeaux, etc.) qui apparaissent comme les espaces où la taille moyenne des ménages est la plus élevée du pays. Celle-ci y est en moyenne de 2,4 personnes par ménage quand la valeur nationale est de 2,2. Le cas de l’Île-de-France est emblématique de ce phénomène. Alors qu’en 1968, cette région était celle dont la taille moyenne des ménages était la plus petite (2,7 personnes contre une moyenne nationale à 3,1), elle est aujourd’hui avec les Hauts-de-France la région métropolitaine dont la taille moyenne des ménages est la plus importante (2,3 contre une moyenne nationale à 2,2 en 2015). Ce changement de position dans le paysage national est largement dû au poids important qu’occupent les espaces périurbains dans la région capitale, en nombre d’habitants.
Malgré ce glissement des grands ménages vers les espaces périurbains, certaines régions constituent toujours des ensembles à part. C’est le cas des Hauts-de-France (2,4) et des régions d’Outre-mer dont la taille des ménages reste aussi en moyenne l’une des plus élevées de France (3,5 en Guyane, 2,6 àla Réunion, 2,3 en Guadeloupe et Martinique) et ce, malgré la très forte diminution observée depuis quarante ans (division par deux de la taille moyenne des ménages à la Réunion, en Guadeloupe et à la Martinique).
Cette affirmation du périurbain comme territoire d’accueil des grands ménages s’est effectuée concomitamment à la concentration croissante des populations dans les zones urbaines (exode rural, polarisation des emplois, croissance des métropoles, etc.). Elle s’est accompagnée d’une évolution des modes de vie (développement de l’habitat pavillonnaire, étalement urbain) et d’un recul de la part des grands ménages dans les espaces ruraux (les communes dites « isolées et hors d’influence des pôles » du zonage en aires urbaines sont parmi celles dont la taille moyenne des ménages a le plus baissé depuis 1968 : -1 personne).
ZOOM
L’évolution de la taille des ménages et son impact sur les besoins en logement
Ainsi que le souligne Alain Jacquot dans une publication du service statistique du ministère en charge du logement, plusieurs facteurs influent sur l’évolution du nombre de personnes par ménage : les principaux sont l’évolution de la structure par sexe et âge de la population et celle des comportements de cohabitation (à sexe et âge donnés)9 :
« La structure par âge importe car les ménages de personnes âgées, qui n’ont plus d’enfant à charge, sont des ménages plus petits que la moyenne. Entre 1990 et 2010 par exemple, les déformations de la structure par âge expliquent une bonne moitié de l’évolution du nombre de personnes par ménage. Cumulées à la croissance de la population, elles expliquent selon les périodes entre les deux tiers et quatre cinquièmes de la croissance du nombre de ménages.
Le nombre moyen de personnes par ménage diminue aussi du fait de la relative désaffection dont souffrent les modes « traditionnels » de cohabitation. Depuis les années 90, la vie en couple cède du terrain et de plus en plus de personnes vivent seules – excepté toutefois aux âges élevés, où les gains d’espérance de vie ont pour effet de retarder le veuvage. La tranche d’âge des 25-50 ans est la plus concernée par ce phénomène. Les unions libres, en moyenne plus fragiles que les mariages, concernent une proportion croissante des couples. Si les taux de divorce observés actuellement en fonction de l’ancienneté dans le mariage devaient se maintenir, ce sont près de la moitié des mariages qui se termineraient par un divorce et non plus un tiers comme au début des années 1990. La vie en couple semble présenter également moins d’attrait pour les jeunes : quand ils quittent leurs parents, à un âge en moyenne guère plus élevé qu’il y a vingt ans, c’est plus souvent pour vivre seul que pour vivre en couple (au moins transitoirement). À titre d’exemple, à l’âge de 35 ans, de 1982 à 2010, la proportion de personnes en couple a baissé de 13 points de pourcentage chez les hommes et de 12 points chez les femmes ; corrélativement, chez celles-ci, dans le même temps, la proportion de personnes vivant seules ainsi que celle de mono-parents se sont accrues chacune d’un peu plus de cinq points. Ainsi, le nombre moyen de personnes par ménage tend à baisser, passant de 3,1 personnes en 1968 à 2,2 en 2015. »
La diminution de la taille des ménages est un des facteurs du besoin potentiel de nouveaux logements, à côté de la construction de résidences secondaires, du renouvellement du parc et, à l’échelle locale, de l’accueil de nouveaux habitants. Il faut aussi tenir compte des effets de la variation du nombre de logements vacants. Par exemple, on10 a pu estimer que 20 % des nouveaux logements construits en Languedoc-Roussillon entre 1999 et 2011 sont dus à la diminution de la taille des ménages et un peu plus de 60 % à l’augmentation de la population dans une région très attractive.
8. On entend par cette dénomination les « couronnes des grands pôles » et les « communes multipolarisées des grandes aires urbaines » selon les catégories du zonage en aires urbaines. Pour plus de précisions, se reporter à la note de méthodologie en fin de document.
9. Voir Jacquot A., « La demande potentielle de logements à l’horizon 2030 : une estimation par la croissance attendue du nombre de ménages », collection Le point sur, n°135, août 2012.
10. Canonéro B., Insee – Gayraud P., « Entre 2010 et 2030, 21 200 logements seraient à construire en moyenne par an », coll. Insee Analyses Languedoc-Roussillon (n°8), 2015.