Toutes les aires urbaines ont leurs spécificités : leur organisation est la résultante d’une histoire et d’une topographie qui leur sont propres. Il existe bien sûr des déterminants nationaux qui participent à modeler la forme et le fonctionnement des aires urbaines d’un même pays : c’est notamment ce qui explique que la concentration des revenus élevés dans le centre des aires urbaines, et la variation des revenus selon un gradient centre-périphérie, soit le modèle le plus répandu. Mais ce n’est pas le seul.
Dans un article publié9 par l’Insee et intitulé Des revenus élevés et en plus forte hausse dans les couronnes des grandes aires urbaines, Jean-Michel Floch développe cette analyse. En voici certains extraits.
Une situation simple : l’aire urbaine de Rennes
L’aire urbaine de Rennes est la 11e aire urbaine en France métropolitaine au regard de sa population. C’est un cas typique d’une organisation des territoires en cercles concentriques autour d’un pôle et d’une gradation des revenus qui dessine des halos de richesse et de pauvreté :
- les revenus sont légèrement plus élevés dans la ville-centre ;
- les quartiers les plus pauvres se situent en bordure de celle-ci ;
- les quartiers les plus riches de l’aire urbaine se trouvent dans la proche banlieue.
Dans la couronne éloignée, les revenus sont par contre moins élevés. En moyenne, le pic de richesse se situe dans les communes contiguës à celle de Rennes, puis la décroissance des revenus est presque linéaire lorsque l’on s’éloigne du centre.
Une situation plus complexe : l’aire urbaine de Paris
L’aire urbaine de Paris, qui rassemble plus de 12 millions d’habitants, répond à un modèle d’organisation plus complexe. La ville-centre (Paris) concentre 2,2 millions d’habitants, la banlieue 10,2 millions répartis dans plus de 400 communes, et la couronne de l’aire urbaine 1,8 million d’habitants et près de 1 400 communes. La variation des revenus dépend des effets croisés de l’éloignement par rapport au pôle parisien, et de la direction.
Ainsi, à l’exception de la direction de l’ouest francilien, les revenus sont nettement plus élevés dans Paris qu’en banlieue. Vers le sud et l’est, les revenus demeurent relativement stables, mais vers le nord, les revenus les plus faibles sont concentrés dans une ceinture située de 5 à 10 km du centre, puis remontent ensuite. À l’inverse, à l’ouest, dans la banlieue comme dans les espaces les plus éloignés du centre, on observe des niveaux de revenus très élevés.
À l’aune de ces travaux, la France se caractérise par un niveau de richesse plutôt élevé et des écarts de revenus limités au regard de nombreux autres pays.
Ce constat général à l’échelle du pays est à nuancer selon les espaces. Alors que certaines régions se distinguent par des niveaux de revenus globalement élevés (Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes), d’autres sont confrontés à la présence d’une pauvreté diffuse (Hauts-de-France, Occitanie). Ces différences régionales se combinent à des différences très prononcées entre espaces urbains denses, couronnes périurbaines et territoires ruraux.
Dans les principaux pôles urbains du pays, le niveau de richesse global des populations cache en réalité de très forts écarts. Les très riches y côtoient les très pauvres. Le niveau de pauvreté (1er décile) dans ces grands centres urbains est bien plus prononcé que celui observé dans les couronnes périurbaines et peut s’apparenter à celui observé dans les territoires ruraux. Parmi ces territoires situés en dehors des zones de fortes densités, certains sont cependant marqués par des spécificités locales (espaces frontaliers, régions de vignobles, lieux de villégiature prisés) qui concourent à en faire des territoires « atypiques » où les niveaux de richesse sont très élevés.
Au regard de ces contrastes, l’existence de mécanismes de redistribution semble être un facteur essentiel du maintien d’une cohésion entre territoire français. Ces enjeux renvoient à la fois à la question des écarts de revenus observés dans cette analyse mais également à la question de l’attractivité résidentielle ou encore à celle de la polarisation des activités économiques qui concourent directement à la diffusion des richesses sur le territoire national.
9. Références complètes disponibles dans la bibliographie.