Historique et contexte des travaux
Quel que soit l’aspect économique ou social étudié, les analyses statistiques nationales se heurtent souvent à des difficultés d’interprétation lorsque l’attention se porte sur les zones frontalières. Ces territoires semblent se comporter parfois de façon si particulière que l’on invoque volontiers un « effet frontière », sans pouvoir en mesurer réellement l’impact, faute de données disponibles couvrant les deux versants de la frontière. Une autre difficulté consiste à cerner les périmètres fonctionnels de ces territoires et à les comparer entre eux, pour identifier statistiquement leurs spécificités.
C’est pour pallier ce manque de connaissance que la Datar a initié en 2006/2007 une étude expérimentale, conduite sur trois sites pilotes (Dunkerque, Longwy et Genève). Puis, pour répondre à la question du déficit d’observation transfrontalière pointée lors de la mission parlementaire Blanc-Keller-Sanchez-Schmid et à la recommandation de pérenniser à une échelle nationale l’étude expérimentale, un travail d’élargissement du champ d’observation à toutes les frontières françaises a été confié à la Mission opérationnelle transfrontalière (Mot) en coopération avec la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau). Cette étude intitulée « étude comparée et observation statistique des agglomérations transfrontalières » a réuni un comité de pilotage associant la Mot, la Fnau, l’Insee, et la Datar qui a dirigé ces travaux en 2010/2011.
Ce travail visait à identifier les périmètres fonctionnels pertinents, recueillir des données à une échelle locale et les métadonnées associées, cartographier un ensemble d’indicateurs sur ces périmètres transfrontaliers et réaliser une analyse comparative des territoires.
L’étude livrée fin 2011 s’appuie sur un travail mené par les agences d’urbanisme concernées, en coopération avec l’Insee pour les informations sur le territoire français, et la sollicitation par la Mot d’organismes étrangers. Elle décrit les territoires transfrontaliers, présente un ensemble de cartes thématiques et analyse les points communs et les différences entre les espaces étudiés. Elle apporte des enseignements sur la taille optimale et comparable de la maille et des périmètres d’observations et énonce des préconisations pour mettre en place une observation statistique pérenne des espaces transfrontaliers.
la Mission Opérationnelle Transfrontalière a consacré à l'étude l'un de ses cahiers de l'observation statistique des espaces transfrontaliers.
Méthodologie, limites et précautions
Difficultés d’accès aux données
Si localement des partenariats entre analystes et producteurs de données existent sur certaines frontières, ils ne sont pas la règle. La difficulté à identifier le bon interlocuteur de l’autre côté de la frontière freine souvent le processus d’acculturation et de partage des données. L’organisation des instituts statistiques, l’articulation des rôles joués par les échelons nationaux et régionaux des producteurs de données ne sont pas toujours bien connues.
L’accès aux données de part et d’autre de la frontière a ainsi constitué une des difficultés majeures de l’étude Datar-Mot-Fnau 2011. Dans le même temps, cette étude a permis un rapprochement des producteurs et des utilisateurs de données des deux côtés des frontières.
Asymétrie des maillages administratifs
Pour garantir la cohérence des analyses, l’étude s’est attachée en premier lieu à définir des espaces relativement comparables de part et d’autre des frontières et de taille suffisante pour permettre une lecture qui ne soit pas fragmentée sur des espaces relativement homogènes .
C’est la surface du canton français qui a été retenue comme maille statistique pour l’étude. C’est en effet l’échelle qui s’apparente le plus souvent à la première échelle d’analyse statistique disponible à l’étranger. Néanmoins, lorsque cela était possible en France ou côté étranger, les données ont été collectées à l’échelle locale la plus fine, le plus souvent à la commune. Cela a permis sur certaines frontières de reconstituer des périmètres comparables aux cantons français.
Diversité des notions et des indicateurs
Trois notions pointent en particulier avec acuité des divergences de définition : la population active, les étudiants, l’emploi au lieu de travail. L’étude a recherché, pour chacune des notions et chaque frontière, les indicateurs dont les définitions, à défaut d’être harmonisées, sont les plus comparables.
Hétérogénéité des millésimes (dates de collecte)
D’un pays à l’autre, les données statistiques ne se rapportent pas à la même période. Ce constat est particulièrement vrai pour les indicateurs démographiques. Certains pays disposent de données annuelles (enquêtes de recensement, registres de population), d’autres non (recensement réalisé tous les dix ans par exemple).
Absence d’ingénierie transfrontalière et difficultés à identifier les acteurs
Les agences d’urbanisme impliquées depuis longtemps dans une démarche d’observation transfrontalière n’ont pas éprouvé de difficulté particulière à se procurer des données auprès de leurs homologues des pays voisins. Cependant, il a parfois été plus difficile d’obtenir des données en dehors du périmètre d’observation habituel des agences. La MOT a alors joué un rôle d’intermédiaire entre les agences et leurs homologues situés de l’autre côté de la frontière.
In fine, cette coopération a permis une forme d’appropriation des données et d’investissement pour la démarche d’observation transfrontalière pour les agences concernées, notamment pour celles qui n’avaient pas encore créé de lien avec les pays voisins.
Les enjeux d'une observation transfrontalière coordonnée
Compte tenu des nombreuses difficultés techniques, on peut s’interroger sur l’opportunité de mener au niveau national une observation statistique transfrontalière : ne serait-il pas préférable de se limiter à une observation menée par des acteurs locaux selon leurs propres besoins ?
C’est pour attester de l’intérêt national et transnational de cette observation que la Datar, en partenariat avec la MOT et la FNAU, a initié plusieurs rencontres fin 2012 : la première a réuni les agences d’urbanisme, la seconde les producteurs et utilisateurs de données étrangers ; enfin un séminaire européen sur l’observation des territoires transfrontaliers a été organisé à Nancy en décembre 2012.
Il ressort de ces différentes rencontres l’expression d’un réel intérêt pour soutenir une observation nationale des espaces transfrontaliers qui, au-delà de la mise à disposition d’indicateurs, serait un lieu de rencontres et d’échanges transnationaux et qui à ce titre faciliterait l’identification et la mise en relation entre partenaires producteurs et utilisateurs de données. Sans remettre en cause le travail des observatoires locaux, une représentation transnationale se ferait le relais de leurs travaux et de leurs analyses locales les plus innovantes. Enfin, l’observation transnationale permettrait de mieux comprendre les phénomènes transfrontaliers dont la connaissance favorise la construction de projets de coopération et facilite l’évaluation des politiques publiques.
Principaux résultats de l'étude
Construction des zones fonctionnelles transfrontalières
Lors de l’étude menée en 2011, chaque agence d’urbanisme concernée a défini une zone fonctionnelle transfrontalière sur la base d’un isochrone d’une heure par la route autour du pôle d’emploi principal proche de la frontière. C’est l’unité institutionnelle la plus petite, souvent la commune, qui est choisie dans chaque pays pour décrire la composition de chacune des dix zones fonctionnelles transfrontalières retenues.
Si toutes les zones fonctionnelles transfrontalières sont constituées par des communes, cette unité administrative ne recouvre pas le même sens ni surtout la même réalité géographique selon le pays. Or la différence de taille entre les zones étudiées a une grande influence sur la comparaison que l’on peut faire de statistiques collectées (Openshaw et Taylor, 1979). Dès lors, la solution a été d’harmoniser, dans la mesure du possible, les échelles d’analyses, en repérant ou en créant par agrégation dans chaque pays, des mailles géographiques de taille relativement comparable et pour lesquelles des données statistiques sont disponibles.
Le canton est apparu sur le territoire français comme étant l’unité géographique la plus communément comparable en surface à un équivalent étranger. Un équivalent au canton français a toujours été trouvé de l’autre côté des frontières, hormis pour l’Italie et l’Espagne. Dans ces cas, une maille plus fine a souvent été nécessaire pour reconstituer les zones d’études adaptées aux différentes problématiques.
Toutes les données statistiques n’étant pas toujours disponibles aux mêmes échelles, une autre maille d’analyse a pu être retenue. C’est le cas pour la partie allemande de la zone fonctionnelle transfrontalière de Luxembourg pour lesquelles les données statistiques ne sont disponibles qu’au Kreis.
Le tableau ci-dessous décrit les échelles d’analyses retenues par pays pour chacune des zones fonctionnelles transfrontalières :
Note de lecture et cas particuliers :
- Si la zone fonctionnelle transfrontalière de Luxembourg a bien été décrite à l’échelle communale côté luxembourgeois, c’est le canton (luxembourgeois) qui est l’échelle d’analyse principale, c’est-à-dire l’échelle à laquelle la plupart des données ont été collectées.
- Côté allemand, pour les zones fonctionnelles transfrontalières de Luxembourg et du Sillon Lorrain, les données ne sont disponibles qu’à la seule échelle du Kreis. Par conséquent, l’interprétation des données comparées sur cette frontière doit être prudente, compte tenu de la différence de taille du Kreis allemand et des mailles d’analyses utilisées côté luxembourgeois ou français.
- Pour la zone fonctionnelle transfrontalière de l’Espace Catalan qui est décrit à la commune, des échelles d’analyses dites « d’études » ont été retenues côté français afin de trouver un équivalent géographique à la comarque catalane.
Disponibilité des indicateurs sur les différentes frontières
C’est à partir des éléments de l’étude 2011 que la Datar, la MOT et la Fnau ont regroupé sous un même référentiel transnational l’ensemble des données collectées par les agences d’urbanisme pour chaque zone fonctionnelle transfrontalière. Le critère principal pour retenir un indicateur dans le cadre de ce référentiel est celui de sa disponibilité sur l’ensemble des frontières. Le tableau du bilan de la collecte des données transfrontalières signale pour chaque indicateur sa disponibilité. Le nombre d’indicateurs utilisés pour l’étude initiale se réduit selon ce critère de disponibilité.
La zone fonctionnelle transfrontalière de Dunkerque
La zone fonctionnelle de Dunkerque (isochrone d’une heure à partir de Dunkerque) compte environ 2,6 millions d’habitants. Cette longue bande côtière s'étend sur la Province belge de Flandre occidentale et sur le territoire français "Flandre-Dunkerque-Côte d’Opale". La population est répartie sur plusieurs aires urbaines littorales de plus de 200 000 habitants (Dunkerque, Brugge, Kortrijk) et occupe également un espace rural dynamique.
Sur le plan démographique, cet espace transfrontalier se caractérise par la juxtaposition d’un territoire « jeune » au sein du territoire national (Dunkerque Côte d’Opale) et d’un territoire « vieux » (Flandre occidentale belge) dans un rapport transfrontalier classique entre le nord d’un pays et le sud d’un autre. Les flux transfrontaliers, majoritairement dans le sens France->Belgique, se concentrent le long de la bande frontalière et s’intensifient dans la partie sud du territoire, à proximité de la métropole lilloise.
Sur le plan politique, la zone fonctionnelle est en partie couverte par le GECT West Vlaanderen/Flandre-Dunkerque-Côte d’Opale qui rassemble 13 partenaires français et flamands. Le rôle d’observatoire transfrontalier est assuré par l’Agence d’Urbanisme de la Région dunkerquoise (AGUR).
La zone fonctionnelle transfrontalière de Lille
Située entre la France, la Wallonie et la Flandre belge, la zone fonctionnelle de Lille (isochrone d’une heure à partir de Lille) compte plus de 5,1 millions d’habitants. Au cours des deux derniers siècles, ce territoire transfrontalier s’est développé dans une remarquable continuité de part et d'autre de la frontière, alimenté par des flux de proximité permanents.
Sa taille, ses équipements, sa position au centre du triangle Paris-Londres-Bruxelles et sa structuration transfrontalière avancée, le placent parmi les plus importantes métropoles transfrontalières en Europe. Sa spécificité repose sur son intégration urbaine et sur la forte intensité des flux de proximité qui le traversent : travailleurs frontaliers, scolaires, relations commerciales, culturelles, sociales, sanitaires ou familiales.
La zone fonctionnelle correspond sur le plan politique à l’Aire métropolitaine de Lille qui elle-même englobe le Groupement Européen de Coopération Territoriale Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, regroupant la communauté urbaine de Lille, deux intercommunales flamandes et deux intercommunales wallonnes. La création de ce GECT en 2008 (premier GECT créé en Europe) lui a permis de structurer sa coopération et de la développer de manière stable et durable. Le travail d’observation transfrontalière de l’Eurométropole est assuré par Agence de développement et d'urbanisme de Lille Métropole.
La zone fonctionnelle transfrontalière de Luxembourg
La zone fonctionnelle de Luxembourg (isochrone d’une heure à partir de Luxembourg) rassemble plus de 2,5 millions d’habitants. L’attractivité de l’économie luxembourgeoise constitue un moteur puissant pour le développement du travail frontalier (plus de 200 000 travailleurs frontaliers s’y rendent chaque jour) et influe sur le dynamisme démographique de la population ; la population est relativement jeune dans les cantons frontaliers mais le nombre de personnes âgées reste important dans l’ancien bassin sidérurgique et minier.
Cette zone fonctionnelle englobe deux projets politiques de territoires transfrontaliers. Le plus ancien est le Pôle européen de développement de Longwy (PED). Né de la reconversion de l'industrie minière et sidérurgique, ce territoire forme une agglomération transfrontalière rassemblant 22 communes et représentant plus de 120 000 habitants, associant des collectivités belges, luxembourgeoises et françaises.
Depuis 1996, avec la création de l’Association transfrontalière du Pôle européen de développement de Longwy, le niveau communal a été davantage impliqué dans l’aménagement, appuyé par l’AGAPE (Agence d’Urbanisme et de Développement Durable Lorraine Nord) à l’origine créée pour le PED, étendue depuis au Pays Haut-Val-d’Alzette pour couvrir le GECT Alzette-Belval, créé le 8 mars 2013. La compétence géographique de cette agence s’insère dans la Grande Région qui s’est dotée d’un outil d’observation, un système d’information géographique, couvrant l’ensemble de son territoire.
La zone fonctionnelle transfrontalière du Sillon Lorrain
La zone fonctionnelle du Sillon Lorrain correspond au territoire formé par les 2 isochrones d’une heure centrés sur Nancy et Metz. Elle rassemble plus de 3,2 millions d’habitants. La partie nord de la zone fonctionnelle se place dans l’orbite du Grand Duché de Luxembourg qui attire un nombre important de travailleurs frontaliers ce qui n’est pas sans conséquences pour le territoire : dynamisme démographique stimulé par l’attractivité économique luxembourgeoise, engorgement des infrastructures de transport, …. Elle couvre également la Sarre, et une partie de la Rhénanie-Palatinat, densément peuplées mais en pleine déprise démographique.
Le Sillon-Lorrain est un espace qui concentre des fonctions métropolitaines importantes, comme l’Université de Lorraine (Nancy-Metz).
Sur le plan politique, le Sillon Lorrain correspond au strict territoire des agglomérations de Thionville, Metz, Epinal et Nancy et s’étend sur plus de 150 km du nord au sud. Il compte plus de 1 200 000 habitants, dont 496 000 habitants pour les seules intercommunalités de Metz et Nancy.
La gouvernance du Sillon Lorrain, sans disposer pour l’instant de dimension transfrontalière, est assurée par le Pôle métropolitain du Sillon Lorrain. L’observation statistique de ce territoire repose sur ses agences d’urbanisme, notamment celles de Nancy et Metz.
La zone fonctionnelle transfrontalière de Strasbourg
Point de contact entre la France et l'Allemagne, la zone fonctionnelle de Strasbourg forme un territoire transfrontalier de près de 2,8 millions d’habitants. Elle se situe dans le Rhin Supérieur, une région polycentrique formée de plusieurs centres urbains de taille différente (Karlsruhe, Fribourg, etc.).
Ce territoire se caractérise par une population plus jeune du côté français que du côté allemand marqué un vieillissement démographique important. Les flux transfrontaliers de travailleurs se font presque exclusivement dans le sens France-Allemagne et l’interpénétration résidentielle de cette zone fonctionnelle est très limitée par rapport à d’autres territoires frontaliers.
Acteurs de la coopération transfrontalière depuis plus de dix ans, Strasbourg et Kehl ont été les maîtres d’œuvre de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau. Cet organe de coopération créé en octobre 2005, s’est transformé en Groupement européen de coopération territoriale (GECT) en février 2010. De nombreux projets communs ont ainsi pu être réalisés entre la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) et l’Ortenaukreis.
C’est l’agence d’urbanisme de Strasbourg (ADEUS) qui assure l’observation transfrontalière, en lien avec les travaux du système d’information géographique du Rhin supérieur.
La zone fonctionnelle transfrontalière de Bâle
La zone fonctionnelle de Bâle est située au débouché de la vallée du Rhin et de la plaine d'Alsace, à la jonction de trois pays, l'Allemagne, la Suisse et la France. Elle compte plus de 4,8 millions d’habitants sur un espace très hétérogène.
Un tissu économique attractif a pu se développer grâce une situation géographique très favorable : son territoire couvre un large éventail de paysages, allant de la zone urbaine dynamique de Bâle, aux espaces ruraux du Sundgau français, en passant par la Forêt Noire en Allemagne ou au Jura Suisse. Ces territoires sont marqués par une forte interdépendance, et sont caractérisés par de nombreux flux de proximité (60 000 travailleurs frontaliers traversent quotidiennement ces frontières et sont polarisés par la puissance de l’économie bâloise, recherche-développement en chimie, pharmaceutiques, banques…).
L’agglomération tire une grande richesse de la diversité des territoires qui la composent mais reste néanmoins un espace fragmenté. La gouvernance politique de cet espace transfrontalier est portée par l’Eurodistrict Trinational de Bâle dont la structure technique assure le travail d’observation transfrontalière (en lien avec le SIG du Rhin supérieur). Dans les 226 communes de l’Eurodistrict trinational de Bâle vivent aujourd’hui un peu moins de 830 000 habitants.
La zone fonctionnelle transfrontalière de Genève
La zone fonctionnelle de Genève (isochrone d’une heure à partir de Genève) s’étend jusqu’à Lausanne au nord et Annecy au sud et compte plus de 1,6 millions d’habitants. Dans sa partie centrale, l’agglomération genevoise constitue l’un des sites transfrontaliers les plus intégrés d’un point de vue géographique : sa morphologie urbaine est continue, imbriquée, et parcourue par de nombreux flux de nature diverse qui franchissent la frontière : plus de 80 000 travailleurs frontaliers dans le sens France-Suisse, dont de nombreux Suisses résidant côté français. La partie française est un territoire périurbain indissociable de la métropole genevoise. Cette interdépendance a rendu obligatoire la création de véritables équipements et infrastructures transfrontalières.
Née de démarches transfrontalières engagées il y a plus de 30 ans, le projet politique de l'agglomération transfrontalière répond à la volonté de créer un échelon de gouvernance à la mesure des solidarités qui unissent différents niveaux de collectivités (Cantons suisses, Région et communautés de communes françaises). Sur le plan politique, au Projet d'agglomération franco-valdo-genevois, dont la charte d'engagement a été signée le 5 décembre 2007, succède le « Grand Genève » qui a pris la forme d’un Groupement local de coopération transfrontalière (GLCT, 2012).
C’est l’Observatoire statistique transfrontalier (animé par l’INSEE Rhône-Alpes et l’Office cantonal de la statistique de Genève) qui assure l’observation de l’agglomération transfrontalière depuis 1995, une des plus abouties en matière d’observation statistique transfrontalière.
La zone fonctionnelle transfrontalière de Nice
Passage étroit entre la France et l'Italie, mais lieu de transit intense, la zone fonctionnelle de Nice (isochrone d’une heure à partir de Nice) est un territoire très urbanisé entre la mer et la montagne qui rassemble près d’1,5 millions d’habitants.
En plus de Nice, ce territoire comprend le pôle économique de Monaco qui draine de nombreux flux de travailleurs transfrontaliers, attirés notamment par des salaires attractifs. Chaque jour, près de 34 000 frontaliers français, dont 11 000 en provenance des communes limitrophes françaises, vont ainsi travailler dans la Principauté.
L'urbanisation croissante ainsi que l'extrême concentration des flux sur le littoral nécessitent une gestion commune du territoire répondant à des enjeux tels que l'engorgement des routes, la saturation du parc immobilier, ou encore la dégradation de l'environnement. Les acteurs du territoire développent une stratégie transfrontalière dynamique, concrétisée notamment par des projets d’envergure dans des secteurs comme les transports, la culture et la recherche de complémentarités d’équipements de part et d'autre de la frontière.
En 2011, la coopération transfrontalière s'est renforcée avec la création de la "Métropole Nice Côte d'Azur", qui rassemble 46 communes côté français et qui est engagée dans une planification concertée des deux côtés de la frontière. C’est l’agence d’urbanisme de Nice (ADAAM) qui accompagne les travaux d’observation territoriale sans inclure, pour l’instant, de dimension transfrontalière.
La zone fonctionnelle transfrontalière de l’Espace catalan
Pour les besoins de l’étude, la zone fonctionnelle de l’espace catalan transfrontalier correspond au périmètre formé par les deux isochrones centrés sur Le Perthus et Puigcerdà. Cet espace comprend près d’1,5 millions d’habitants. Il se caractérise la présence à l’est du littoral méditerranéen, des plaines urbanisées autour des deux principales agglomérations de Perpignan et de Gérone, et à l’ouest une partie montagneuse nettement moins peuplée. Le territoire se caractérise également par une forte attractivité touristique, de nombreux emplois et la présence d’une culture commune : l’identité catalane. Ces territoires présentent également de nombreuses différences: au niveau économique, le côté sud est plus industriel que le nord qui se caractérise par une économie plutôt agricole et tertiaire.
Les acteurs transfrontaliers souhaitent structurer et harmoniser cet espace par une politique concertée d’aménagement du territoire et de développement durable. Pour ce faire, les partenaires français et catalans ont signé un accord concernant les statuts d'un futur organisme commun transfrontalier, sous la forme d'un GECT, ce qui permettra de doter l’Eurodistrict de la personnalité juridique et d'une autonomie sur le plan financier.
Sur le plan de l’observation transfrontalière, l’agence d’urbanisme catalane (AURCA), créée en 2007, accompagne la démarche d’observation statistique.
La zone fonctionnelle transfrontalière Basque
Pour les besoins de l’étude, la zone fonctionnelle basque est formée par le territoire à une heure d’Irun. Elle rassemble un peu plus d’1 million d’habitants et s’étend sur 50 km le long de la façade atlantique des Pyrénées, de part et d’autre de la Bidassoa dont l’embouchure marque la frontière franco-espagnole.
La zone fonctionnelle s’étend sur la Navarre espagnole voisine, et englobe l‘agglomération transfrontalière de Bayonne-Saint Sébastien qui constitue un véritable corridor urbain et se situe sur l'un des principaux axes routiers entre la péninsule ibérique et le reste de l’Europe. Cette situation de point de passage obligé a pour corollaire un nombre élevé de flux à différentes échelles (proximité comme ranseuropéens) et de différentes natures : personnes (travailleurs frontaliers, touristes, patients, étudiants…), véhicules (24 000/jour).
Cet espace transfrontalier très attractif, entre mer et montagne, est également un territoire sous pression, tant en matière de saturation des infrastructures de transports que d’un point de vue foncier et immobilier.
La coopération transfrontalière s’y inscrit dans un contexte de volontarisme net (nombreuses structures transfrontalières qui se superposent) et se fonde sur le creuset d’une culture commune. L’Agence de l’Eurocité Basque Bayonne-San Sebastián représente le territoire transfrontalier sur le plan politique. Elle s’appuie pour ses travaux d’observation sur l’agence d’urbanisme Atlantique Pyrénées (AUDAP) qui a réalisé l’actualisation du « Livre blanc de l’Eurocité ».